14 novembre 2025

Affaire Jubillar : Les dernières 24 heures vers la déchirure


Accusé du meurtre de sa femme Delphine, Cédric Jubillar a été jugé à Albi le vendredi 17 octobre 2025 et condamné à 30 ans de prison. Ses avocats ont annoncé qu'ils faisaient appel du verdict. Selon certaines sources, le procès en appel pourrait se dérouler fin 2026 à Toulouse. La date et le lieu sont pour le moment inconnus. Cédric Jubillar reste en prison.

Trois ans après l'Affaire Alexia Daval en octobre 2017, la disparition de Delphine Jubillar dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020 s'inscrit comme la première d'un trio de cas "hors normes". Suivie par celle de Magali Blandin en Ille-et-Vilaine le 11 février 2021 et par celle d'Aurélie Vaquier dont le corps a été découvert en avril 2021 à Bédarieux sous une dalle de béton, l'Affaire Jubillar a davantage intéressé le public au fur et à mesure du temps. Elle présente, tout comme certaines affaires s'étant déroulées aux Etats-Unis, les caractéristiques principales d'absence de corps et de réfutation du conjoint.

La presse s'est associée à cet intérêt grandissant du public, les réseaux sociaux ont pris le relai et, comme pour d'autres cas similaires, deux opinions opposées se sont détachées. L'exceptionnalité de l'affaire, la déchirure (les déchirures) des dernières heures, puis la disparition de Delphine Jubillar dans la nuit du mardi 15 décembre au mercredi 16 décembre 2020 conduisent à cette proposition de chronologie pour un meilleur décodage.

Le 15 décembre avant 12h00

V 07h00 Cédric part vers un chantier
??h?? Delphine conduit son fils à l'école et part à Albi avec sa fille.
??h?? Delphine se rend à la banque
10h23 Delphine sort d'un parking couvert à Albi
??h?? Delphine récupère un bon cadeau de Noël à la clinique où elle travaille à Albi
11h00 Delphine prend un café avec son amie, à Cagnac
V 11h30 Delphine récupère son fils pour le déjeuner

Le 15 décembre après 12h00

12h51 Le téléphone de Cédric borne dans la zone boisée de Mirandol*
13h08 Le téléphone de Delphine reçoit 9 messages de la femme de son amant
+ 13h09 Nombreux autres SMS et 4 tentatives d'appels
V 13h20 Delphine conduit son fils à l'école
13h50 Delphine lit ses messages et appelle durant 13 minutes son amant
13h53 Pendant son appel le téléphone de Delphine reçoit 3 SMS et 4 appels de la femme
+ 14h00 Delphine effectue "une promenade avec sa fille en poussette"
16h07 L'amant appelle Delphine durant +-25 minutes
16h30 Delphine récupère son fils à l'école et rentre chez elle, peu avant Cédric
??h?? Delphine envoie 13 SMS à la femme
19h15 Delphine échange sur son smartphone avec son amant
19h32 Delphine échange sur son smartphone avec son amant
20h30 ou 21h15 Un voisin conduisant un fourgon rentre du travail et le stationne dans la rue
21h22 Delphine échange sur son smartphone avec son amant
V 22h00 Cédric est allé, selon lui, se promener avec les chiens, une voisine le voit aller vers le terrain de boules **
22h00 Delphine regarde la télévision avec son fils
22h04 Delphine échange sur son smartphone avec son amant
V 22h30 ou 23h00 Cédric se rend dans la chambre pour jouer à un jeu vidéo***
22h55 ou 22h58 Une photo est envoyée depuis le téléphone de Delphine
22h57-22h58 (ou 23h07) Deux voisines éloignées, mère et fille dehors, entendent des cris
V 23h00 Le petit garçon du couple entend une dispute

Le 16 décembre

00h07 Le téléphone de Delphine est déverrouillé
00h09 ou 00h11 L'application WhatsApp du téléphone de Delphine est ouverte
01h03 Le téléphone de Delphine est déverrouillé
01h30 La torche du téléphone de Delphine est allumée et/ou
01h33 La caméra du téléphone de Delphine est activée
03h21 Le téléphone de Cédric borne dans le bois de Mirandol*
03h53 Le téléphone de Cédric est rallumé
04h02 Cédric envoie un SMS à une amie de Delphine
04h09 Cédric appelle les gendarmes 

Après l'arrivée des gendarmes

V 05h09 Les gendarmes arrivent à la maison (une heure plus tard)
05h00-05h30 Un automobiliste voit une Peugeot sombre engagée dans un chemin boisé, au sud de Cagnac, le plafonnier est allumé et un homme traverse devant lui
05h00-05h30 Une femme, collègue du témoin, arrive après lui et voit la même voiture
06h40 Cédric appelle la ligne de Delphine (jusqu'à 06h55), sauf entre
06h51 et secondes-06h54 où le téléphone de Cédric est inactif
06h52 Le téléphone de Delphine est déverrouillé manuellement
07h48 Le téléphone de Delphine s’éteint définitivement

*ces éléments n'ont pas été versés au dossier ** pas d'indication pour les chiens *** ou le téléphone de Cédric s'éteint à 22h08 après sa courte promenade

Photomontage : Images Pixabay + photo largement diffusée

Sources : https://www.sudouest.fr/faits-divers/affaire-jubillar/affaire-jubillar-pourquoi-le-bois-de-mirandol-n-a-jamais-ete-fouille-pourquoi-cette-piste-refait-elle-surface-24528856.php, https://www.tf1info.fr/justice-faits-divers/proces-de-cedric-jubillar-le-recit-des-dernieres-heures-avant-la-disparition-de-delphine-2395689.html, https://www.youtube.com/watch?v=2gsb7r2uKd4&t=1708s, https://www.lenouveaudetective.com/enquetes/cedric-jubillar-localise-la-nuit-du-drame-dans-un-bois-de-mirandol-bourgougnac, https://www.femmeactuelle.fr/actu/news-actu/cedric-jubillar-cette-femme-qui-laurait-apercu-a-un-endroit-clef-le-soir-de-la-disparition-2127698, https://www.ouest-france.fr/faits-divers/affaire-jubillar/video-affaire-jubillar-le-recit-minute-par-minute-de-la-nuit-ou-delphine-a-disparu-22cca402-92e0-11f0-8aaf-26b4770f0f96, https://www.bfmtv.com/police-justice/video-j-ai-vu-une-voiture-avec-le-plafonnier-allume-sur-le-bas-cote-de-la-route-a-la-barre-un-temoin-raconte-une-scene-qui-aurait-pu-blanchir-cedric-jubillar-selon-la-defense_VN-202509240436.html, https://pyreneesfm.com/direct-coup-de-theatre-au-proces-jubillar-le-recit-troublant-dun-temoin-du-16-decembre/, https://www.youtube.com/watch?v=NfVMsgzm0SU&t=316s, https://www.lefigaro.fr/faits-divers/affaire-jubillar-l-epouse-de-l-amant-de-delphine-dans-le-viseur-des-enqueteurs-20211207

02 novembre 2025

Disparition de Michele Harris : Onze ans de procédure pour un acquittement


Michele Anne Harris a disparu dans l'Etat de New York dans la nuit du 11 au 12 septembre 2001 et il s'agit sans doute de la disparition la plus passionnante de ces 25 dernières années. Seconde partie.

Au cours du premier semestre de 2001, après que Michele Anne Harris, 35 ans, eut rencontré Brian E., 23 ans, et demandé le divorce à son mari Cal, 39ans, ce dernier lui répète à plusieurs reprises qu'il ne la laissera pas divorcer. Un accord financier amiable est proposé par Calvin à Michele. Refusé, le ton monte. D'ailleurs, la nounou du couple s'est souvenue de plusieurs disputes bruyantes qu'elle entendait durant cette période. Les choses se passent mal et Michele raconte à ses sœurs une altercation au mois de mars au cours de laquelle Cal lui avait dit "qu'il n'aurait pas besoin d'une arme pour la tuer et que la police ne retrouverait jamais son corps." Au mois de juillet, elle laisse également son coiffeur écouter une conversation dans laquelle Cal menace de la tuer et de la faire disparaître.

De son côté, en juin 2001, Brian E. rompt avec sa petite amie de Philadelphie, s'installe à New York, loue un petit appartement à moins d'un kilomètre des parents de Michele, lui confie une clé et comme elle avait repéré une maison blanche sur Main Street à Owego, près de l'école où allaient ses enfants, il verse la moitié de l'acompte de 10.000 $ sans même avoir visité la maison. Michele, pour sa part, au cours de cette période, entretient notamment, durant deux mois, une relation avec le manager du restaurant où elle est employée.

Après le 11 septembre

Peu après après 7h, le matin du 12 septembre 2001, c'est la nounou des Harris qui aperçoit la première le monospace Ford doré de Michele alors qu'elle arrive en urgence. Cal vient de lui téléphoner pour l'aider à préparer les enfants pour l'école, Michele n'étant pas rentrée du travail depuis la veille au soir. Le véhicule est stationné sur le bord de la route, devant l'allée menant à la propriété des Harris. Une allée qui serpente à travers champs et bois sur 400 m, rendant impossible de voir la route depuis la maison. La nounou se gare pour jeter un œil. Les portes sont déverrouillées et les clés sont sur le contact.

Informé, Cal Harris souhaite récupérer la voiture et tous deux retournent sur la route pour l'inspecter. Le mari confirme à la nounou que Michele devait partir pour New York, comme elle le lui avait dit. La nounou est sceptique puisque la voiture de Michele est là. Cal suggére qu'elle a peut-être fait de l'auto-stop.

Les événements s'enchaînent. La nounou appelle une amie de Michele et lui demande si elle sait où elle se trouve, l'amie l'ignore et appelle l'avocat de Michele, parce qu'elle avait un rendez-vous avec lui dans les jours suivants. Mis au courant de la situation, après un appel chez Lefty's et un autre sans réponse sur le portable de sa cliente, l'avocat signale la disparition à la police d'État.

La dernière fois qu'elle a été vue, Michele Harris était vêtue d'un short kaki, de baskets blanches, d'un polo bleu marine à rayures rouges et blanches avec le logo "Lefty's", d'une montre Rolex en or et en argent et de nombreux bijoux (bague de fiançailles diamant 2 carats, bagues, boucles d'oreilles et bracelets).

Le 12 septembre 2001, la majorité des agents et enquêteurs de la région ayant été transférés par bus à New York pour renforcer la sécurité et les effectifs suite aux attentats, la police d'État du comté de Tioga disposait de ressources bien plus limitées que d'habitude. Deux enquêteurs restés sur place se rendent à la concession automobile Ford d'Owego. Ils sont dans le bureau de Cal à 9h40.

L'enquête ne réunit aucun élément de preuve contre les hommes présents autour de Michele Harris dans les dernières heures avant sa disparition. Diverses perquisitions ne révèlent rien. Le manager de Lefty's, l'autre homme (un ami à lui) et Brian E. sont mis hors de cause. Ce dernier avait quitté sa petite amie pour construire une vie de couple avec Michele. En décembre 2001, Brian est retourné à Philadelphie et a épousé son ancienne petite amie et ils se sont installés dans le comté de Tioga en 2002.

Il ne reste alors que le mari comme suspect, d'autant que des gouttelettes de sang sont repérées le 14 septembre au domicile des Harris par l'un des deux enquêteurs de la police d'État. Entrant pour la première fois dans la maison par la porte de garage ouverte, il remarque des taches séchées sur le mur du garage et découvre des taches rouges séchées de l'autre côté de la porte et sur les moulures. D'autres petites taches de sang sont découvertes. Des investigations plus poussées révélent des taches similaires sur le carrelage dans le hall d'entrée et la cuisine, près du garage. Il s'agit de sang humain.

Le pickup et le quad de Cal sont fouillés, et la voiture de Michele est minutieusement inspectée. Aucun sang n'est trouvé dans les véhicules. On retrouve par contre le téléphone portable de Michele et un sac noir contenant les bijoux.

Quatre ans plus tard, une série de procès pour Cal Harris

Le 30 septembre 2005, un grand jury du comté de Tioga inculpe Cal Harris pour meurtre au second degré de son épouse. Il est arrêté devant ses employés, menotté et entravé par des fers aux jambes.

Durant le premier semestre 2006, l'avocat de Cal Harris a tenté de contester l'acte d'accusation, déposant une requête demandant à avoir la communication de la transcription des délibérations et demandé le rejet de l'accusation, jugée juridiquement et factuellement insuffisante. Peu après, l'accusation a remis à la défense 12 000 pages de pièces, dont l'intégralité de la transcription des délibérations du grand jury.

27 juillet 2006 : Le procès est ajourné à janvier 2007 à la demande de l’avocat de Cal Harris afin de permettre à la défense d'examiner les documents.

15 décembre 2006 : Le juge du comté de Tioga, informe l'avocat de la défense et le procureur du comté de Tioga qu’il prononcera un non-lieu pour Cal Harris. 

18 décembre 2006 : Le procureur demande au juge de se récuser, l’accusant de favoritisme envers Harris et lui-même. Le juge nie les accusations, mais se retire de l’affaire. 

19 décembre 2006 : Un nouveau juge, du comté de Broome, est désigné par les autorités judiciaires de l’État pour présider l’affaire. 

28 janvier 2007 : Le nouveau juge rejette l’acte d’accusation pour meurtre venant du procureur. Dans une ordonnance du tribunal, il indique que le procureur a demandé au premier juge de se récuser afin d’empêcher le rejet de l’acte d’accusation. Afin de se prémunir contre la possibilité que cette décision soit infirmée en appel, le nouveau juge a examiné les transcriptions du grand jury et, bien qu'il partage l'avis du premier juge sur les faits allégués qu'il estime juridiquement suffisants, il considère que l'acte d'accusation est vicié et doit être rejeté. 

En effet, les témoignages recueillis auprès de beaucoup parmi les 27 témoins appelés à la barre contenaient de nombreux éléments de preuve qui ont été mis en avant qui étaient irrecevables : 

Par exemple "leurs opinions et spéculations sur l'état du mariage des Harris, et sur Cal et Michele en tant que personnes, parents et époux." Ainsi que "La fortune, le caractère et les qualités de Cal en tant qu'homme d'affaires et employeur, ainsi que les projets de Michele après le divorce". Et puis "Un témoin a même été autorisé à dire aux jurés s'il pensait que Cal l'avait tuée." Et même "L'avocat de Cal lors de son divorce, parmi d'autres témoins, a également été autorisé à témoigner sur de nombreux points qui ne relevaient pas des exceptions à la règle du ouï-dire." Le juge "a déclaré que tout cela était clairement intentionnel de la part du procureur." 

Divers autres détails ont conduit le procureur à soumettre l’affaire à un autre grand jury.

26 février 2007 : Cal Harris est de nouveau inculpé pour meurtre au second degré. 

21 mai 2007 : Le procès pour meurtre s’ouvre devant le tribunal du comté de Tioga avec la sélection du jury.

7 juin 2007 : Un jury déclare Harris coupable de meurtre au second degré. Le prononcé de la sentence est prévu pour le 24 août. Le 8 juin, Kevin T., un ouvrier agricole qui vivait près des Harris, prend un journal laissé sur le tableau de bord de son pickup et aperçoit en première page un article concernant Cal Harris avec la photo de Michele. Il se produit un déclic et il la reconnait comme étant la femme qu'il a aperçue tôt le matin du 12 septembre 2001. L'article indique que Michelle Harris a été vue pour la dernière fois le 11 septembre. Or lui la reconnait comme la femme qu'il avait aperçue près de l'allée des Harris, le matin du 12 septembre 2001. Il l'avait vue sur la route, à côté d'un autre véhicule, une camionnette, à proximité de laquelle un homme se disputait avec Michele. Ce jour-là, Kevin T. appelle de suite l'avocat de Cal Harris.

Sur cette carte OpenStreetMap, on voit Elmira, Waverly, Owego. Smithboro est un peu à l'est de Waverly. La propriété des Harris se trouve quelque peu au nord (lieu marqué d'un point rouge).
 

Kevin T. expliquera plus tard qu'il s'était levé vers 5h30 ce matin-là pour aller travailler "alors que le ciel était encore sombre, sauf à l'est." L'homme devait tirer une remorque à foin avec sa camionnette dont les freins étaient en mauvais état, il roulait donc lentement. Il pense être passé devant l'entrée des Harris et avoir aperçu Michele et l'homme non identifié vers 5h45 "alors que le ciel était devenu bleu mais que la luminosité était encore suffisante pour nécessiter l'utilisation des phares.".

Juin/juillet 2007 : L'avocat de Cal Harris dépose une requête auprès du juge pour faire annuler le verdict de culpabilité. Le document cite le témoignage de Kevin T. La réponse du procureur à la requête de l'avocat de la défense dépeint T. comme un délinquant.

24 août 2007 : Harris doit être condamnée par le tribunal du comté de Tioga. Kevin T. et ses parents témoignent de l'itinéraire emprunté ce jour-là en audience publique. Kevin T. affirme avoir, le 12 septembre 2001, vu une femme qu'il pense au moment être Michele Harris, en compagnie d'un homme d'une vingtaine d'années près d'un pickup, à proximité de l'entrée de l'allée des Harris, vers 5h30. Ce témoignage se situe environ six heures après que Cal Harris aurait tué sa femme. Le nouveau juge reporte le prononcé de la sentence.

2 novembre 2007 : Se fondant sur le témoignage de Kevin T., le juge annule la condamnation de Cal Harris pour meurtre et libère l'homme d'affaires sous caution de 500.000 $. Un nouveau procès est ordonné. Ce même mois, un autre homme, John S. écrit au tribunal et déclare être lui aussi passé devant la maison des Harris (ndr. l'entrée) à peu près au même moment et qu'il a vu un homme et une femme se disputer près de deux véhicules. Puis il dépose une déclaration sous serment reprenant en majorité les allégations de Kevin T., tout en ajoutant avoir entendu l'homme crier : "Monte dans cette foutue voiture !"

Octobre 2008 : John S. décède, l'empêchant d'être contre-interrogé. "Son témoignage est donc jugé irrecevable par le tribunal et est qualifié de ouï-dire." Ces éléments ne modifient rien et un second procès est fixé à 2009.

18 février 2009 : Un nouveau juge, d'un autre comté, est désigné pour présider le second procès pour meurtre. 

13 juillet 2009 : Début de la sélection du jury pour le nouveau procès. 

5 août 2009 : Le jury déclare Harris coupable du meurtre de sa femme pour la seconde fois. 

5 octobre 2009 : Cal Harris est condamné à une peine de 25 ans dans une prison d’État. 

10 janvier 2011 : La cour d’appel de l’État examine l’appel de Harris contre sa deuxième condamnation. 

28 juillet 2011 : Par une décision de 3 contre 1, la cour d’appel de l’État rejette l’appel de Harris contre sa condamnation de 2009. La cour d'appel confirme ainsi la condamnation, la jugeant fondée sur les faits et le droit, et conforme à la procédure. Harris se pourvoie en cassation.

11 septembre 2012 : La Cour de cassation de l’État de New York examine l’appel de Harris.

18 octobre 2012 : La Cour d’appel de l’État reconnait que le jury a agi de manière raisonnable, malgré la dissidence d'un juge, mais infirme la décision sur les questions de procédure et casse la condamnation de Harris pour meurtre au second degré, ouvrant la voie à un troisième procès.

25 octobre 2012 : Cal Harris est présenté devant le tribunal du comté de Tioga et libéré sous caution de 500.000 $. 

14 janvier 2014 : La division d’appel de l’État fait droit à la demande de changement de juridiction pour le troisième procès. L'affaire est transféré de nouveau dans un autre comté.

22 janvier 2015 : Début de la sélection du jury pour le troisième procès de Cal Harris. "La défense avait découvert de nouveaux éléments de preuve venant étayer son argument selon lequel la police d'État s'était concentrée sur Cal, excluant tout autre suspect." En effet, les collègues du restaurant où travaillait Michele se souvenaient d'un Texan qui venait souvent et que Michele avait pris en stop à une occasion. Stacy S. était venu du Texas pour travailler à une nouvelle aciérie d'Elmira. Son ancienne petite amie affirma que ce dernier lui avait confié plusieurs choses curieuses dont le fait d'avoir été la dernière personne à avoir vu Michele vivante. L'homme, reparti au Texas, est introuvable.

Le Tribunal entend de nouveau Kevin T. pour étayer la thèse de Stacy S. Le témoin déclare se souvenir parfaitement de la scène, il roulait lentement et avait davantage ralenti en dépassant les deux véhicules, la position du pickup l'ayant obligé à le contourner. Kevin T. identifie S. sur une photo qu'on lui présente et décrit en détail son pickup, un Chevrolet noir ou bleu foncé correspondant au modèle que S. conduisait au moment. L'accusation fait de nouveau ressortir la pénombre de l'heure matinale et le témoin maintient sa version.

15 mai 2015 : Le procès est déclaré nul, les jurés n’ayant pu parvenir à un verdict unanime. Un quatrième procès est ordonné. 

31 mars 2016 : Cal Harris ayant cette fois-ci opté pour un procès sans jury, les plaidoiries d’ouverture sont prononcées devant un autre juge. 

29 avril 2016 : Le juge autorise la défense à plaider la responsabilité de tiers, afin de prouver que Stacy S. et Christopher T., ouvriers sidérurgistes texans résidant dans le comté de Tioga en septembre 2001, étaient responsables du meurtre de Michele Harris. La défense soutient que cela disculperait Cal Harris. 

19 mai 2016 : Après avoir entendu les plaidoiries finales, le dernier juge entame ses délibérations. 

24 mai 2016 : Le juge annonce à une salle d’audience comble qu’il déclare Cal Harris non coupable de meurtre au second degré. Après environ douze heures de délibération, le juge a rendu son verdict et Cal Harris est désormais libre. 

Ainsi, au terme de quatre procès et des différents appels, au cours de onze années de procédure, dans deux comtés, sous la présidence de cinq juges, issus de quatre comtés différents, Cal Harris a été définitivement acquitté du meurtre au second degré de son épouse, Michele Anne Harris.

Michele Harris est toujours portée disparue.

A suivre...

Ce texte a été réalisé à partir de https://en.wikipedia.org/wiki/Disappearance_of_Michele_Anne_Harris, https://eu.pressconnects.com/story/news/local/2016/05/27/cal-harris-timeline/85036744/, https://charleyproject.org/case/michele-anne-harris, ainsi que d'autres sources américaines.

Photo : Pexel/Pixabay

29 octobre 2025

Michele Anne Harris reste introuvable depuis le 11 septembre 2001

 


Etats-Unis, le 11 septembre 2001. Michele Anne Harris, 35 ans, vit dans l'Etat de New York et disparait au cours de la nuit suivant les attentats terroristes. Il s'agit d'un mystère non encore résolu à ce jour. Dans ce cas de disparition, on rencontre de nouveau une mère de famille se trouvant dans une période de changement de vie et l'absence de corps. Une affaire étonnante à cheval sur un milieu aisé et sur une situation financière difficile dans laquelle le mari est, là encore, soupçonné d'avoir fait disparaitre la mère de ses enfants. Une histoire fleuve dans laquelle, après quatre procès oscillants entre condamnations et acquittements, les prolongements nous parviennent jusqu'en octobre 2025.

Le cas Michele Anne Harris

En fin de journée, le 11 septembre 2001, à Waverly, Michele Anne Harris termine son service chez Lefty's, un restaurant où elle travaille comme serveuse. Avant de partir, elle prend un verre sur le grand parking attenant au restaurant en compagnie d'un collègue et d'un autre homme. Elle se rend ensuite chez son petit ami à Smithboro, lieu d'où elle part peu après 23 heures. Le lendemain matin 12 septembre, son véhicule est retrouvée vide sur le bord de la route, à proximité de la maison d'Owego qu'elle partage avec ses enfants et son ex-mari Calvin. Michele Anne Harris a disparu.

Waverly se trouve au nord-est de New York à la limite de l'Etat de New York et de la Pennsylvanie

Cal Harris, un attaquant vedette et joueur titulaire des équipes masculines de Lacrosse du Hobart College, rencontre Michele Anne Taylor alors qu'elle travaille dans le comté de Tioga comme secrétaire au sein de l'une des concessions automobiles appartenant à la famille Harris. Calvin Harris et Michele se marient en 1990 et s'installent à l'extérieur du village de Spencer, dans un domaine de 102 hectares. Le premier des quatre enfants du couple est né en 1994.

Cinq ans plus tard, en 1999, Michele, est enceinte pour la quatrième fois. Elle découvre que son mari a une liaison avec une autre employée de la concession automobile. Confronté à l'existence de cette liaison, Cal lui promet d'y mettre fin. Pourtant, ce n'est ensuite pas le cas et Michele apprend plus tard que son mari a renoué avec sa maîtresse lors d'un voyage de vacances au soleil en mars 2000. Elle cesse alors de partager le lit conjugal et commence à dormir sur le canapé. Cette rupture se produit en octobre 2000.

***

Fin novembre 2000, Michele Anne Harris rencontre dans un bar un jeune géomètre de Philadelphie, Brian E. Il est de passage dans la région pour une partie de chasse. C'est le coup de foudre et Michele débute avec lui une relation secrète qui s'intensifie au fil des jours. Ni son mari, ni ses enfants ne sont mis au courant.

***

Début 2001, Michele demande le divorce à son mari. C'est l'époque des fréquentes disputes bruyantes et des tentatives de sa part de convaincre la famille de Michele de la dissuader de divorcer. Il lui répète à plusieurs reprises qu'il ne la laissera pas divorcer. En juin 2001, Calvin est condamné à verser 400$ par mois à Michele et doit continuer de payer les dépenses liées à la maison jusqu'au prononcé du divorce. Il est également condamné à remettre toutes ses armes à ses frères et à son père jusqu'à ce que le divorce soit prononcé et que Michele ait déménagé. A ce moment-là, il lui propose qu'elle ait la garde exclusive des enfants et un accord financier substantiel, ce qu'elle refuse.

Les paiements versés par Cal Harris à Michele complétent ce qu'elle gagne grâce à un emploi de serveuse à temps partiel chez Lefty's, un restaurant situé à Waverly, où elle avait commencé à travailler en avril.

De son côté, Brian, l'amant de Michele, quitte sa petite amie et loue un petit appartement à Tioga, à moins d'un kilomètre de chez les parents de Michele. Le jeune homme a la ferme idée que Michele allait se marier avec lui après son divorce. Cependant, si elle souhaitait réellement une relation à long terme avec Brian, elle s'était confiée auprès d'amis qu'elle n'avait pas l'intention de l'épouser. Il lui donna les clés de sa maison pour qu'elle puisse y laisser quelques affaires et sortir ses chiens s'il travaillait tard, et certaines nuits elle pouvait s'y rendre après son travail, qui finissait parfois à 2h30 du matin.

Brian E. n'était pas le seul homme qui intéressait Michele au moment. Pendant deux mois, elle avait eu une relation* avec le manager de Lefty's, Michael K. dont elle n'avait parlé à personne. C'était l'un des deux collègues avec qui elle avait pris un verre le soir avant sa disparition. Il serait aussi question de deux autres hommes avec qui Michele aurait eu une liaison à cette époque.

La tension chez les Harris s'apaisa en août. Cal avait proposé à Michele 80.000 dollars par an comme pension alimentaire pour elle et les enfants, ainsi que la garde des enfants. Par l'intermédiaire de son avocat, elle demanda une évaluation judiciaire de son entreprise et le procès fut fixé au 22 octobre. Dans les premiers jours de septembre, Michele semblait plus heureuse, elle avait décidé d'accepter l'offre de Cal, sans l'avoir encore informé.

La disparition

On sait que le 11 septembre 2001 vers 14h30, la mère de famille est en retard pour son travail. Elle n'est pas encore complètement habillée et a mal à la tête. Elle le dit à la baby-sitter qui arrive chez les Harris vers 15h. Son uniforme de travail est encore au sèche-linge. Les circonstances étaient en lien avec les attentats terroristes du matin. Elle en avait été affectée comme tout le monde et de plus, les tragédies s'ajoutèrent à ses propres inquiétudes. Michele devait en effet revoir son avocat le 12 septembre et souhaitait se rendre à New York la seconde semaine de septembre. Or, les déplacements vers New York avaient été sévèrement restreints. Michele avait prévu de rendre visite à un ami d'université et surtout elle devait vendre ou mettre en gage certains de ses bijoux, notamment sa bague de fiançailles. Elle aurait eu à ce moment-là des problèmes d'argent et devait en plus verser la moitié de l'acompte sur la maison qu'elle et Brian avaient convenu d'acheter à Owego.

Ce soir-là, son service de serveuse se termine à 21h. Assise sur le parking, elle prend un verre avec deux personnes. Tous trois discutent durant une heure des attentats terroristes de la journée avant de se séparer. Michele Harris prend ensuite la route pour l'appartement de Brian à Smithboro, un hameau situé à une quinzaine de kilomètres à l'est de Waverly. Elle y reste une heure de plus, partageant un verre avec Brian et expliquant comment les attentats de la journée lui avaient permis de prendre du recul sur ses propres problèmes. Selon Brian E., elle repart de chez lui entre 23h et 23h30.

A suivre.

* Probablement peu de temps après avoir été engagée comme serveuse en avril, puisqu'en septembre leur relation était déjà terminée.

Modifié le 02/11/25 pour inclusion d'âge. Les sources de cette affaire particulièrement complexe seront précisées à la fin de la seconde partie.

24 octobre 2025

La disparition de Theresa Ann Davidson-Murphy en 1999


Enlèvement, suicide, féminicide ? Le cas de Theresa Ann Davidson est aussi, comme plusieurs autres, celui d'une mère de deux enfants qui n'est pas réellement heureuse suite à un changement dans sa vie et disparait un jour sans laisser de trace.

Depuis qu'elle s'est évaporée en octobre 1999, Theresa Ann Davidson-Murphy n'a jamais été retrouvée. Et comme personne ne sait précisément quand la jeune femme a disparu, le cas de Theresa Ann Davidson-Murphy est un double mystère. Son absence de Rainier, sa ville de résidence dans l'Oregon, est estimée entre le 7 et le 10 octobre 1999. On dispose de peu d'informations sur cette affaire, essentiellement apportées par sa fille Jessica qui venait juste de fêter ses 13 ans. Au moment de la disparition, Theresa Ann Davidson-Murphy est âgée de 34 ans.

La ville de Rainier se trouve dans le nord de l'Etat, au bord du fleuve Columbia. Le jeudi 7 octobre 1999, une semaine après l'anniversaire de Jessica, Theresa Ann conduit celle-ci chez une amie pour une soirée pyjama et un séjour de trois nuits. Les deux filles devaient ensemble participer à un match de volley-ball. Au moment où sa mère repart pour le domicile familial, Jessica l'embrasse et, sans le savoir, elle le fait pour la dernière fois. Le nouveau mari  de Theresa Ann, Richard dira plus tard avoir vu sa femme lorsqu'elle était rentrée après avoir déposé Jessica, et que peu de temps après il était parti camper à Browns Creek, dans la forêt nationale olympique du comté de Mason, dans l'État de Washington.

Le samedi 9 octobre, le lendemain de son match de volley-ball, Jessica a téléphoné chez elle depuis la maison de son amie pour raconter à sa mère le match de volley-ball. Elle se souvient que sa mère ne semblait pas être elle-même, et qu'elle n'y avait pas davantage prêté attention. Le dimanche 10 octobre, Jessica attendait tranquillement chez son amie que Theresa vienne la rechercher pour rentrer à la maison. Mais sa mère n'est jamais venue. Richard étant toujours en camping, personne ne répondait au téléphone fixe et Jessica est restée durant quelques jours chez son amie.

Finalement, Richard a répondu au téléphone et il est venu chercher Jessica pour la ramener à la maison, appelant ensuite le père biologique de la jeune fille pour qu'il vienne la récupérer.

Jessica expliquera ultérieurement que Richard lui avait dit avoir appelé les hôpitaux et la police pour tenter de retrouver Theresa, mais qu'il n'était pas allé jusqu'à signaler formellement la disparition à ce moment-là.

Le contexte

Theresa Ann Davidson-Murphy avait divorcé de son premier mari en 1989. Le couple avait deux enfants, Justin et Jessica. Ayant vécu après le divorce dans différents Etats avec ses deux enfants, les trois finissent par se fixer à Covington, dans l'État de Washington. C'est peu après avoir trouvé un emploi dans une usine Boeing que la jeune femme rencontre Richard Murphy, avec lequel elle se marie quelques temps plus tard, le 3 juillet 1998. Ensuite, pour se rapprocher de la famille de Richard, le couple déménage à Rainier avec Jessica mais l'aîné, Justin, préfère aller vivre avec son père biologique.

Malheureusement, le déménagement dans cette nouvelle ville s'est avéré être une épreuve pour Theresa qui avait dû abandonner un travail chez Boeing qu'elle adorait. De plus, elle ne connaissait personne dans cette ville et regrettait beaucoup d'avoir déménagé.

Le mystère total

Theresa Ann Davidson-Murphy a été vue pour la dernière fois le 7 octobre 1999. Tous ses effets personnels ont été retrouvés à l'intérieur de la maison de Rainier et son pickup était garé près de la résidence, les clés se trouvaient sur le contact. L'arme de Theresa Ann avait disparu du domicile familial. C'est deux semaines plus tard que la disparition a été signalée, par la belle-sœur de Theresa Ann, le 23 octobre 1999.

La dernière fois qu'elle a été vue, la jeune femme était habillée d'un pull vert, d'un jean bleu, de baskets blanches et portait une alliance et un collier en or.

Selon Wikipedia, l'Etat de l’Oregon a le nombre le plus élevé de cas de personnes disparues pour 100.000 personnes.


https://www.nbcnews.com/feature/cold-case-spotlight/theresa-ann-davidson-murphy-still-missing-19th-anniversary-her-disappearance-n917396, https://charleyproject.org/case/theresa-ann-davidson-murphy, https://en.wikipedia.org/wiki/Disappearance_of_Teresa_Ann_Davidson-Murphy, photos Jessica Borreson.

22 septembre 2025

Où sont les trois handballeuses disparues en 2014 ?

 
 
Un tragique événement s'est déroulé sur le fleuve Congo dans la journée du samedi 22 mars 2014. Trois joueuses de l’équipe nationale de handball junior de la République Démocratique du Congo sont mortes noyées dans le fleuve Congo. Toutes trois sociétaires du handball club Héritage de Kinshasa, les jeunes femmes se rendaient à Brazzaville dans le cadre des activités commerciales qu'elles menaient en parallèle de leurs carrières sportives.

Un peu plus de trois mois plus tard, l'actualité s'est de nouveau focalisée sur le Kinshasa Heritage. Le 2 juillet 2014, trois autres jeunes handballeuses appartenant au même club de handball se sont évaporées. Elle ont disparu pendant le Championnat du monde junior de handball féminin. Les jeunes sportives étaient logées dans un hôtel de Đurđevac, une ville située à 110km de Zagreb en Croatie, et personne ne les a jamais revues depuis ce soir-là !

De sources concordantes de médias congolais, le 22 mars 2014, les joueuses de handball étaient quatre. Parties du Stade des Martyrs de Kinshasa dans le courant de l'après-midi, elles ont raté le dernier bateau pour Brazzaville et ont décidé de voyager par pirogue. Selon l'agence Adiac "Alors que les trois victimes ont coulé, la quatrième handballeuse, Kele, s’était agrippée à la pirogue pour enfin être recueillie à la rive de Brazzaville et acheminée à l’hôpital. C’est la seule rescapée de cet accident."

Quelques semaines plus tard, le Championnat du monde junior feminin de handball se déroule en Croatie. L'équipe de la République Démocratique du Congo est logée dans une petite ville proche de la frontière avec la Hongrie, Đurđevac. Précisément à l'hôtel Picok.

Trois participantes, Mirinelle Kele Mazenga (20 ans), Julie Betu Mvita (19 ans) et Laetitia Mumbala Mayunga (18 ans) qui étaient logées dans cet hôtel ne se sont pas présentées au petit-déjeuner le 3 juillet. Les filles ont été vues pour la dernière fois par leurs coéquipières à 23 heures le 2 juillet. Les joueuses seraient parties sans emporter ni portefeuilles, ni effets personnels, ni bagages. Et sans leurs passeports. Leurs téléphones portables étaient éteints. Malgré d'importantes recherches, aucune trace des sportives disparues n'a pu être trouvée.


Photos : Pexels-Kaeciine, Google Street.  Sources : en.wikipedia, fanarch.com, vecernji.hr, mediacongo.net, nyota.net, adiac-congo.com, sudinfo.be,

07 septembre 2025

L'énigme Laetitia Czuba : Une disparition en direct



Fin septembre 2012, nous sommes dans le Var, à Fréjus. La saison touristique se termine, les jours raccourcissent et la ville retrouve peu à peu son rythme habituel. Non loin de là, à Roquebrune-sur-Argens, avait disparu dix-sept mois plus tôt l'homme le plus recherché de France, Xavier Dupont de Ligonnès. Il est question ici de la disparition en direct d'une fréjusienne, Laetitia Czuba. Avec une nouvelle approche.

Laetitia Czuba, une jolie blonde de 33 ans employée à La Poste, n'a plus donné de ses nouvelles depuis le mardi 25 septembre 2012. Corinne, une amie très proche de Laetitia et collègue de travail, est la dernière personne à l'avoir vue, quelques heures avant sa disparition. Son amie rentre de voyage et vers 19h, Laetitia la retrouve à la gare et les deux femmes vont boire un café sur le bord de mer. Selon Corinne, Laetitia "était dans un état d'esprit hyper positif". L'amie ajoute "On avait prévu de partir en vacances". Ce 25 septembre, les deux amies devaient passer la soirée ensemble, une soirée qui finalement s'est trouvée annulée.

Depuis deux mois, Laetitia Czuba entretenait une relation avec un militaire de Fréjus. Elle avait pris 33 ans le 11 septembre et quatre jours plus tard, le 15, elle reçoit un message vocal énervé de la femme du militaire. Croyant l'homme libre alors qu'il est père de famille, elle rompt immédiatement mais le revoit le 21 septembre. Puis, dans l'après-midi du lundi 24, elle se trouve dans une voiture en présence d'un couple inconnu dont on ne connait que le prénom de la femme "Nora". Au cours de la soirée ou dans la nuit suivante, Laetitia Czuba elle est chez elle en compagnie de son amant. Elle et lui se sont ensuite échangés des banalités par SMS dans la journée du 25 septembre. On y découvre notamment que l'homme lui demande si elle a solutionné son problème de téléphone : "tu as resolu ton pb de tel?lol" écrit-il. On peut penser que, la veille au soir, Laetitia avait un problème avec un téléphone, l'ancien ou le nouveau modèle, par exemple la prise en main de son nouveau Samsung. Ou bien qu'elle avait l'intention d'en acheter un la journée suivante.

Le départ

À 19h44, Laetitia Czuba appelle sa grand-mère. Le temps de la conversation et puis la Volkswagen Polo quatre portes noire se dirige vers l'A8. La jeune femme n'emporte pas son portefeuille et serait partie avec 50 euros. Est-elle seule ? Dans cette affaire, on trace surtout une voiture et un téléphone. Il ne faut que quelques minutes à la voiture pour rejoindre l'A8 et prendre la direction des Adrets, où Laetitia Czuba est censée quitter l'autoroute. Pourtant, à 20h35, la Polo noire est vue et photographiée au péage d'Antibes. Il n'est pas possible de distinguer la présence d'une autre personne à l'intérieur. La voiture file ensuite vers l'Italie et le tout nouveau téléphone de Laetitia Czuba s'inscrit pour la dernière fois sur un relais en France à 21h34.

La plupart des disparitions sont mystérieuses et celle de Laetitia Czuba n'y déroge pas. Seulement plusieurs éléments sont pour le moins curieux. Elle aurait téléphoné à sa grand-mère habitant près de Grasse pour venir passer la nuit du 25 septembre en sa compagnie, parce que ne se sentant pas en sécurité chez elle, et décide à la place de partir à l'aventure. Plusieurs circonstances de dates mènent à son départ de Fréjus, quelques jours après avoir eu 33 ans. Mais d'un autre côté ces circonstances font que la résidence de vacances dans laquelle la jeune femme abouti vient juste de fermer après la saison touristique, et qu'elle est presque vide.

Le basculement

C'est assurément après avoir pris un café avec son amie ou au retour à son domicile que Laetitia Czuba a décidé de ne pas rester seule pour la soirée. On ignore si elle a pris un repas avant son départ, si elle a raccompagné son amie chez elle, et laquelle des deux, cela serait très important de le savoir, a annulé la soirée prévue. En tout état de cause, à un certain moment, la grand-mère de Laetitia Czuba reçoit un appel téléphonique et la Volkswagen Polo se retrouve sur l'Autoroute A8 en direction du Lac de Saint-Cassien. Laetitia, ou une autre personne, conduit la voiture, il n'y a pas d'alternative. Si c'est Laetitia Czuba la conductrice, on peut se demander si sa décision de continuer à rouler sur l'A8 au delà des Adrets part d'une volonté de changer sa destination, si elle a loupé la sortie ou bien si la jeune femme a remarqué, à tort ou à raison, qu'un autre véhicule la suit, ou semble la suivre. Il n'y a ici rien d'extraordinaire en soi.

Ceci étant, à un moment donné, se produit un basculement dans une autre logique. En effet, la voiture continue sur l'autoroute au delà de Mandelieu-La-Napoule. Or, la carte montre une particularité, c'est qu'à Mandelieu, l'autoroute A8 (sortie et entrée) débouche en centre-ville, et à priori sans péage ! Dix minutes environ de trajet de trop, dix minutes pour revenir aux Adrets, soit 15-20 minutes seulement de perdues pour Laetitia Czuba avant de retourner au Lac de Saint-Cassien.

Le nouvel itinéraire de la Polo noire sur l'autoroute semble donc être, dès les premiers kilomètres, le résultat d'une action volontaire, ou contrainte, résultant d'un choix délibéré ou d'une menace intérieure au véhicule plutôt que provenant d'une menace extérieure. La voiture va ainsi se retrouver au péage d'Antibes à 20h35. Il est fait mention d'un arrêt qui aurait eu lieu sur la petite aire de Beausoleil* et la Volkswagen Polo poursuit son parcours en direction de la frontière.

Le flou

La nuit est déjà tombée, lorsqu'à 21h30 un appel téléphonique est lancé depuis le nouveau portable de Laetitia Czuba, débuté vraisemblablement à hauteur de Menton sur le Viaduc de Cabrolles, au niveau de la commune de Sainte-Agnès**. Un appel qui, peut-être par hasard, abouti sur le répondeur du téléphone de son amant. Cet appel dure un certain temps, 3 minutes et 5 secondes, et il est plausible qu'il s’interrompt parce que la voiture passe sous le tunnel de la Giraude, à la frontière franco-italienne. Ceci est sans aucune certitude parce que le lieu dépend de l'heure. Le message vocal aurait été constitué des bruits de roulement, du son de l'autoradio et de "P....n aidez-moi. Je suis perdue, je suis perdue. (silence) Je suis perdue." 

On comprend bien que la signification de cette phrase peut fortement varier selon l'intonation. Il s'agit d'une énigme de plus dans la disparition de Laetitia Czuba. Personne ne pourra écouter ce message parce qu'il a été effacé par le militaire et n'est pas récupérable par l'opérateur téléphonique.

La dernière inscription du téléphone sur un relais situé en France se fait à 21h34, probablement en limite de zone cellulaire, c'est-à-dire peut-être à 3-4 kilomètres de la frontière, peut-être moins. En tout état de cause, la Volkswagen Polo continue de filer vers le cœur de l'Italie sur l'Autostrada dei Fiori, l'autoroute des fleurs. Pourquoi effectuer ce long parcours sur une autoroute ? Dans quel but ? Les autoroutes en France et en Italie sont particulièrement surveillées et surtout elles sont payantes.

La voiture de Laetitia parvient à 21h45¹ au péage autoroutier situé après San Remo, à Arma di Taggia. Ce point semble constituer pour la personne au volant une barrière, une limite. Une manœuvre de demi-tour est exécutée. Et à 21h50, la Volkswagen Polo est signalée roulant à contresens sur l'autoroute italienne. Entre l'échangeur d'Arma di Taggia et la sortie de Bordighera, 20 km d'un parcours insensé sont effectués, heureusement sans dommages.

Bordighera et ses mystères

La course de la Polo noire à contresens entre les deux échangeurs est un sujet en soi. Et le parcours se termine par des tunnels et un ouvrage d'art au dessus d'une vallée. Après, il y a l'accès autoroutier de Bordighera, qui pour la voiture est la sortie. Une voie étroite sans visibilité. Il est probable qu'une partie de la circulation devait être interrompue. Ensuite, se trouve le péage, étroit, on ne peut y échapper. Quelque part autour du péage, il y a une voiture de Police. De la Police ferroviaire. Sans doute dépêchée sur place parce que la plus proche au moment. On imagine que la barrière est ouverte, celle de la voie où l'on ne peut pas payer puisque l'on est dans le mauvais sens. Dans le cas d'un paiement, il y a forcément un arrêt du véhicule, donc un barrage de Police est possible. Ici cela n'a pas réussi et en plus le ou les policiers ne semblent pas poursuivre la Polo qui descend vers la mer.

Pour une personne qui ne connait pas Bordighera, la descente vers la ville, de nuit, promet son lot de surprises. À un moment, sur les hauteurs, un choix doit se faire entre deux routes. Dans les deux cas, l'arrivée dans le centre ville sans but précis ne conduirait qu'à une errance. Il en est de même partout. Ici, des panneaux indiquent relativement bien la résidence Baia la Ruota, parmi d'autres hôtels.

Ensuite, la direction est celle de San Remo, et de la résidence, si on la connait. Un nouveau tunnel, avec peu après un espace de stationnement sur la gauche, le long de la route, devant le Jardin Exotique. Une descente vers la plage est d'ailleurs présente quelques mètres plus loin. L'entrée y est certes à l'opposé du regard, mais elle existe. Toute la route bénéficie de l'éclairage public. Il y a encore un parcours à faire avant d'arriver à la résidence touristique mais il est peu facile de stationner devant. On peut s'arrêter face au portail, ou à cheval sur le trottoir, qui bénéficie d'un bateau pour ne pas abimer les roues. C'est ce que choisit avant de descendre de la voiture la personne qui est au volant de la Volkswagen Polo noire, en n'oubliant pas de laisser les feux de position allumés².

On ignore comment s'est passée, à pied, la descente fortement inclinée de l'allée pour pouvoir rejoindre les maisons de vacances construites en contrebas. Et si même la personne est descendue de ce côté ou a préféré utiliser un chemin situé à quelques mètres en amont et fermé par une barrière métallique.

 
Comme on ignore tout du gardien de la résidence. Et soudain, on aperçoit sur la vidéo de surveillance une femme venant de la gauche de l'image passer le long de la clôture, devant un portillon séparant la résidence de la plage, et enjamber le portillon comme si rien ne pouvait l'arrêter. Il est 22h17. On voit même la personne descendre l'accès à la plage en courant. A-t-elle rejoint quelqu'un ?

Les hypothèses

Au delà des faits connus, depuis plus de 12 années, de nombreuses hypothèses concernant la disparition mystérieuse de Leatitia Czuba ne manquent sans doute pas. Sans les images prises à l'intérieur de la résidence touristique par l'une des caméras de surveillance, il n'existerait que la présence de la voiture mal garée et le témoignage d'une vieille dame demeurant dans la résidence avec son fils. Cette dame a apporté des éléments à propos de la présence réelle ou non d'un homme bien habillé dans les parages. Elle situe d'ailleurs le premier passage de l'homme en question deux heures plus tôt, elle l'aurait donc vu de jour. Et l'horaire correspondrait, par conséquent, à peu de choses près, à l'heure où la voiture de Leatitia se trouve aux Adrets. Pure conjecture, menant cependant vers la possibilité d'un rendez-vous à Baia de la Ruota.

Crise de panique en raison du demi-tour, du contresens et du barrage de Police ?

Si l'on considère que Laetitia est la conductrice en Italie, et que suite à son demi-tour au péage suivi d'un contresens sur l'autoroute, et le franchissement d'un barrage de police, qu'elle est totalement affolée par la situation, et qu'elle ne voit à ce moment-là comme issue que la fuite vers la mer, en laissant de côté son circuit après la sortie à Bordighera, on doit d'admettre que cela n'explique en rien ce qui s'est produit avant le demi-tour. Ni depuis la sortie loupée des Adrets, encore moins ce qui lui serait arrivé sans l'erreur du contresens. Par contre, elle semble très pressée, et ne veut pas s'arrêter.

Un suicide ?

La question du suicide a été soulevée. Un acte impensable selon les proches, un acte improbable à l'évidence, surtout à l'endroit où l'on aperçoit la femme sur les images vidéo. Et puis, pas de lettre de Laetitia, deux heures de route, des ponts, des voies ferrées avec tunnels, des massifs montagneux, la liste est longue.

Un défi ?

Partie de Fréjus, parvenue à la sortie des Adrets qu'elle n'emprunte pas, la personne au volant de la Volkswagen Polo sait pertinemment ce qu'elle fait. Elle n'est pas hésitante, ne cherche pas sa route, et sauf lorsqu'elle recherche de l'aide auprès d'une personne X parce qu'elle "est perdue", elle roule comme si elle connaissait l'endroit où se rendre, ou que le trajet lui avait été préalablement expliqué. S'il s'agit de Laetitia, se pose alors la question de ses activités et fréquentations la veille de sa disparition, le lundi 24 septembre 2012.  Cette course effrénée ne serait-elle que la conséquence d'un pari, d'un défi ou d'une mission ?

La volonté de disparaitre ?

Une nouvelle lecture des dernières heures connues de Laetitia Czuba montre que le récit s'est écrit dès le départ. Le portefeuille resté au domicile, le fait d'être partie avec 50 euros, l'arrivée de nouvelles personnes dans son entourage, sont autant d’éléments à prendre en considération. Et puis, il y a ces deux mots surprenants que l'on trouve dans un SMS envoyé par son amant dans la journée du 25 septembre : "bonnes vac", traduits par la télévision italienne comme "buone vacanze" . Laetitia est d'ailleurs peu loquace et répond à peine aux SMS reçus de l'homme, deux seront dailleurs supprimés sans être lus. Avait-elle prétexté partir en vacances pour prendre de la distance avec lui ? S'est-elle prise au jeu ?

Disparue en Italie le 25 septembre 2012

Une fois sur la plage de la résidence Baia La Ruota, la personne ayant enjambé le portillon n'a que quatre choix. 1/ Plonger dans l'eau, et rejoindre éventuellement un bateau. 2/ Se diriger vers la gauche en marchant pour rejoindre Beach Termini, avec ou non une partie à la nage. Sur le papier, il y aurait d'ailleurs un potentiel pour rejoindre à pied l'aire de l'autoroute située plus haut. Dans ce cas un repérage antérieur et une certaine logistique, de la préparation, seraient nécessaires. 3/ Aller sur la droite vers le terrain de tennis, nager quelques mètres et ressortir un peu plus loin puis marcher le long de la plage jusqu'à l'escalier remontant vers le parking du jardin exotique. Peu de natation dans ce cas et la nage se fait dans le sens du courant marin. Les distances sur la plage sont "à la corde", bien plus courtes que par la route. 4/ Utiliser tout simplement le chemin intérieur sur le côté de la résidence, celui remontant à la barrière métallique. Seulement quatre solutions.

Personne n'est absolument certain que Laetitia Czuba conduisait vraiment sa voiture le soir du 25 septembre 2012. En tout état de cause, c'est bien elle qui a disparu ce soir là.

Laetitia est une jeune femme qui possède une belle voiture depuis quelques mois, un nouveau téléphone depuis quelques jours ou même heures, qui a une famille aimante, un emploi et pratique comme sport la nage libre. Elle emporte toutes choses supposées avoir une certaine importance pour elle, dont sa trousse de maquillage, et elle laisse tout cela pour s'en aller vers la mer ayant à la main un sac plastique ordinaire dans lequel se trouvent quelques vêtements et ses médicaments³. On les découvre d'ailleurs plus tard abandonnés sur la plage. Ce que contenait ce sac plastique lorsqu'elle a quitté sa voiture ne devait-il pas avoir à ses yeux beaucoup plus d'importance que tout le reste ?

 

Repères horaires pour exemple de trajet

Départ de Fréjus estimé 20h00 + 35 mn pour péage Antibes = 20h35 + 1h10
pour péage Arma di Taggia = 21h45 + vers Bordighera 16 mn à contresens
=2h01 de trajet = 22h01
+ 13 mn (sortie Bordighera + traversée ville + Via Madonna résidence)
=2h14 de trajet = 22h14
> Ce trajet pose la question d'un arrêt à l'aire de Beausoleil
> + 3 minutes avant d'arriver devant la caméra
>> caméra 22h17

* Maintenant aire de La Rivera française, inaugurée jeudi 22 juin 2023, dernière aire avant l'Italie. ** Estimation avec une vitesse sur zone de 110km/h

¹ Estimation du trajet Péages Antibes - Arma di Taggia. ² Feux ou feux de position selon les versions. ³ On ignore combien de comprimés restaient sur les plaquettes retrouvées, selon les versions dans la voiture ou sur la plage.

Voir les photos de la résidence Baia La Ruota sur tripadvisor.fr ou sur BeachSearcher

Sources : https://youtu.be/FB9Q3JNBhEw (Canal Crime), https://youtu.be/IJ4FKndEOig (Marine B.), rtl.fr, Via Michelin (à plusieurs horaires), Chi l'ha Visto, Google Maps, Google Street View, OpenStreetMap, Riviera24.it, nicematin.com, image par Stefan Nyffenegger de Pixabay, image Marine B./Rai3/camera Baia La Ruota.

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